
Sobriété éditoriale : vers une communication raisonnée et authentique
01 avril 2019À la une, Sobriété éditorialeNous lisons chaque jour 90 mètres de contenu. Encore faudrait-il lire le bon contenu et ne pas se surcharger cognitivement. Vous aussi, vous en avez marre de recevoir des mails marketings ou de tomber sur 10 articles sur un même sujet qui se copient les uns les autres ?
Non seulement, ce contenu de masse concoure à une pollution mentale, mais saviez-vous en plus qu’il est énergivore ?
La consommation d’énergie du numérique est en hausse de 9% par an, en cause l’énergie de fabrication et d’utilisation des équipements -serveurs, réseaux, terminaux-. S’engager à réduire les dépenses énergétiques, forcément, nous implique, nous producteurs de contenu. Nous devons réfléchir à nos manières de faire.
Zoom sur la sobriété éditoriale. Dans cet article, vous lirez une mise en contexte, les meilleures techniques d’écriture pour une communication responsable et raisonnée.
La sobriété éditoriale, c’est arrêter de communiquer ?
Non, bien sûr, mais il convient d’être responsable dans sa communication, de s’engager dans une communication raisonnée.
- Communiquer oui, mais sans matraquer, c’est-à-dire fournir les informations utiles aux utilisateurs, qui lui rendent service et qui servent au positionnement de l’entreprise
- Donner du sens à travers sa communication, être sincère, raconter son engagement et sa mission d’entreprise pour attirer les publics qui partagent les mêmes valeurs
Un bref retour en arrière permet d’éclairer la situation.
En 1998, Google est mis en ligne. En 2000, apparaît pour la première fois le mot stratégie de contenu. En 2006, l’inbound marketing naît avec la création d’outils d’automatisation. De là, s’ouvre l’ère du contenu roi, qui est la clé de voûte des campagnes marketing.
Le principe est simple : le contenu doit accompagner les étapes du parcours client : 1 – découverte du produit ou de l’offre, 2 – intérêt, 3 – aide au choix, 4 – après-vente. C’est là que le bât blesse.
Les textes sont produits en quantité industrielle : il est délicat de renouveler les angles et l’inspiration. Les campagnes se succèdent en se concentrant sur le ROI et en oubliant parfois d’évaluer les retours qualitatifs sur les textes. Le profilage repose sur des stéréotypes, en oubliant souvent de prendre en compte le parcours émotionnel du public.
Pour répondre à cela, en 2015, je parle sur ce blog d’écologie éditoriale. Aujourd’hui, je préfère utiliser sobriété éditoriale qui me semble plus cohérent.
L’écologie éditoriale ou contenu raisonné
Le concept est simple : veiller à des contenus de qualité, qui peuvent donc tenir la durée et qui sont recyclables. C’est-à-dire réutilisables sous différents formats.
En 2018, l’agence Dixxit évoque la nécessité de marquer un temps d’arrêt dans cette production effrénée de contenus, c’est le Slow Content.
Muriel Gani, dans son excellent article Stratégie de contenus : faut-il se ruer sur le slow content ?, rappelle que nous frôlons à l’indigestion avec le brand content. Les risques sont de brouiller le message des marques, d’affecter leur cohérence souligne Audrey Forget dans son article Vers une nouvelle approche du contenu.
Préférer une communication authentique
Aujourd’hui, communiquer sur ses produits et sur sa structure ne suffit pas : l’entreprise doit relayer des valeurs fortes et non des arguments marketing.
Elle doit devenir actrice de la transition en s’engageant dans des actions responsables et le faire savoir avec une communication sur sa contribution.
Le rôle de l’éditorial, c’est d’accompagner l’entreprise à s’aligner entre ses actes et ses paroles et à incarner ses propos. En cela, l’éditorial est vecteur d’évolution.
Raconter la mission de l’entreprise dans la page À propos
Définir l’identité de l’entreprise, c’est déterminer quel territoire éditorial, l’entreprise est légitime d’intervenir. Alors pourra émerger un contenu original représentatif de la voix de l’entreprise, loin des contenus écrits pour les campagnes d’automation ou pour le green washing.
Pour écrire facilement des pages À propos qui retiennent l’attention, voici un gabarit
- Nous sommes
- Nous faisons
- Nous croyons
- Nous contribuons
Quelques bons exemples au passage :
- AllSoftware
- Clufix
- Continuum
- SpaBoosting
Éco conception de sites web et contenu
Notre rôle à nous, producteurs de contenu, c’est d’accompagner l’entreprise à comprendre les bienfaits de la sobriété en réduisant le « superflu, le gras informationnel et numérique, les fake news, etc. » (Frédéric Bordage, membre du collectif Green.it).
Dégraisser, c’est néanmoins créer le plus de valeur ajoutée avec la meilleure expérience utilisateur.
Le collectif Green.it a réalisé une check list éco conception web, les 115 bonnes pratiques pour doper son site et réduire son empreinte écologique.
Les points 108 à 115 concernent le contenu
- 108 Compresser les documents
- 109 Optimiser les PDF
- 110 Dédoublonner systématiquement les fichiers avant envoi
- 111 N’utiliser que des fichiers double opt-in
- 112 Préférer le texte brut au HTML
- 113 Adapter les sons aux contextes d’écoute
- 114 Adapter les textes au web
- 115 Adapter les vidéos aux contextes de visualisation
La sobriété éditoriale, c’est adapter les textes au web
Les conseils pour les textes :
- Qualifier le besoin en contenu du client.
C’est bien là que réside la sobriété éditoriale. Cela demande donc de bien connaître son public pour lui délivrer les informations qui le concernent et dont il a besoin ici et maintenant (et résister à la tentation de parler de soi, souvent difficile pour une entreprise). - Veiller à leur densité : c’est-à-dire qu’il dit le maximum de choses en un minimum de mots
- Structurer : le lecteur balaye l’info rapidement et trouve facilement l’info qui le concerne. La home page présente l’ensemble des contenus du site.
- Fluidifier : le texte favorise le passage à l’action avec des mots simples et courants, tout en étant précis
- Simplifier : la tournure des phrases et veiller à une progression pédagogique des infos
- Clarifier : le titre et l’accroche sont clairs, ce qui permet à l’internaute de savoir si la page correspond à sa recherche.
Bien sûr, les fautes d’orthographe sont à proscrire bien évidemment, et les contenus alternatifs <ALT> des médias sont à renseigner.
Pour plus d’info sur le sujet, voici un article rédigé après la lecture du livre Qualité Web : les bonnes pratiques pour améliorer vos sites dont voici le résumé : et si on passait à un web de qualité.
Je l’ai lu en 2015 suite à l’excellente formation « L’accessibilité du Web pour les contributeurs et rédacteurs », donnée par Qelios et Accessiweb.
Vous trouverez des infos qui vont dans le sens des bonnes pratiques citées plus haut.
Vers une communication responsable
Pour conclure, interrogeons nos pratiques, nous producteurs de contenu. Qui est prêt à la sobriété éditoriale, c’est-à-dire produire moins et à faire des préconisations en ce sens ? Qui s’engage à sortir du cycle de la récompense imposée par les GAFAM à travers l’addiction au like ?
Le numérique tel qu’il est aujourd’hui est en voie d’extinction : il est nécessaire de changer notre manière d’envisager le numérique, nous rappelle Frédéric Bordage dans l’article Low Tech : un outil de résilience pour l’humanité ?
Il est temps de décrire le numérique que nous voulons.
« Pour y arriver, nous aurons besoin d’engager collectivement trois actions : préciser la liste des défis que le numérique de demain devra relever, produire des imaginaires souhaitables pour dessiner un numérique dont chacun pourra tirer le plein potentiel, et décrire ensemble les préconisations et outils qui ouvriront la voie à leur réalisation.»